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le peintre et la pie.

« À cinq sous une pie superbe dans une cage en bon état ! »

L’assistance éclata de rire.

« Il n’y a pas amateur à cinq sous ?… Mettons quatre sous, la cage et la pie… Quatre sous !… Quatre sous !… Trois sous !… Un sou !… »

Des gamins causaient à côté de M. Senez : « Le commissaire a dit comme ça, murmurait l’un, que si on ne le vendait pas il me donnerait l’oiseau. — Nous le plumerons ! » répondait l’autre.

Le bon M. Senez eut pitié. Déjà l’officier ministériel se fatiguait, déjà les odieux gamins tendaient leurs griffes :

« Deux sous !

— Deux sous ! Nous avons acquéreur à deux sous. Deux sous ! deux sous ! Une fois ?… Deux fois ?… Adjugé ! »

Et sans s’inquiéter des risées, le bon Senez emporta sa pie, abandonna la cage aux gamins qui, sans perdre de temps, allèrent, par manière de consolation, l’attacher à la queue du chien de la fruitière.

Dans le clos béni de la rue Notre-Dame-des-Champs, la pie eut oublié bien vite les longs jours passés sous scellés. Ses ailes reprirent leur beau luisant et son œil attristé se remit à pétiller de malice. Acceptée des merles, elle gambadait dans le jardin, n’osant voler encore faute de queue, car la queue est aussi indispensable aux pies que le balancier aux acrobates. Puis un