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le peintre et la pie.

ami Senez est heureux. Il a de l’enfant l’œil toujours étonné et le brusque sourire.

Quelquefois pourtant, au passage d’un souvenir, mon ami Senez ne rit plus, et sous ses épais sourcils, subitement contractés, son œil gris clair se voile de larmes.

Il y a eu un drame, drame sanglant, qui le croirait ? dans l’existence de mon pauvre ami Senez.

En voici l’histoire :

Un matin, — la chose ne date pas d’hier, — flânant du côté de Vaugirard, qui alors était un village, mon ami Senez s’arrêta pour regarder vendre à l’encan, en pleine rue, le mobilier d’un pauvre homme. Une commode, une table, trois chaises ; cela faisait peine à voir jeté ainsi sur le pavé. Il y avait encore un chandelier, une glace fêlée, et, détail navrant, une pie vivante dans une cage d’osier.

« On saisit donc les bêtes ?

— On les saisit. »

Et Senez se réjouit intérieurement en songeant que, pour agile qu’il fût, un huissier, en pareille occasion, aurait quelque peine à lui saisir ses merles.

Quand tout fut vendu : « À cinq sous l’oiseau et sa maison ! » dit le commissaire-priseur en soulevant la cage. La cage s’effondrait, la pie perdait ses plumes.