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le peintre et la pie

l’obsession en la peignant une fois pour toutes, cette pie dont l’image le taquinait ?

Ah ! mes amis, que vous connaissez mal le démon de la nature mortel ! Sa pie, sa pie tant aimée, c’est morte seulement que lui, peintre de nature morte, pouvait la peindre. Oui, morte ! la tête en bas, pendue par la patte, comme on peint les pies ; avec quelque chose de neuf et de personnel qui rajeunirait ce thème antique. De là de subites tentations, des méditations vaguement criminelles… Mais n’anticipons pas sur les événements…

À mesure que l’hiver s’avançait, les méditations devenaient plus longues et les tentations plus fréquentes. On apprendra bientôt pourquoi. Un jour, à Clamart, M. Senez retrouva son inspiration pour croquer sournoisement un coin de mur merveilleusement écaillé. Quelques flocons étant tombés, il s’empressa de reproduire le bourrelet glacé d’argent et frangé de larmes en cristal que fait la neige au rebord des fenêtres. Puis il copia des nœuds de ficelle et fit une étude consciencieuse d’un clou rouillé planté dans du crépi.

M. Senez n’avait pas encore de projet bien arrêté ; mais assurément, sans qu’il s’en doutât, il s’habituait à l’idée du crime.

« Avait-elle, après tout, cette pie, de si grands sujets d’agrément sur terre, loin des siens, dans ce clos inculte, avec un mur croulant dominé de toits, pour horizon ? Qui sait ? la mort serait