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la vraie tentation

— Allons, fit Antoine en souriant, je vois bien que je n’échapperai pas à la tentation cette année encore ; mais, comme vous avez été exceptionnellement sages, je vais vous en conter une qu’aucun artiste n’a peinte et dont M. Gustave Flaubert n’a point parlé. Elle fut terrible pourtant, n’est-ce pas, Barrabas ? et me fit rouler plus longtemps qu’il n’aurait fallu sur la pente au bas de laquelle luisent dans un grand trou les feux de l’enfer tout ouvert. C’est d’ailleurs par une nuit pareille et à l’occasion du réveillon que l’aventure m’arriva.


À ce début, Barrabas, évidemment intéressé, se redressa sur ses deux pattes de devant pour écouter, les enfants frissonnèrent et se rapprochèrent, et voici le conte de Noël que leur raconta le bon ermite :


— Donc, mes amis, vous vous figurerez qu’après mille tentations successives, les diables tout à coup avaient cessé de me tenter. Mes nuits devinrent tranquilles. Plus de monstres griffus et cornus m’emportant dans les airs sur leurs ailes de souris-chauve ; plus de suppôts d’enfer à barbe de bouc, à museau de singe ; plus de fantasques musiciens essayant d’effrayer Barrabas avec leur ventre fait d’une contre-basse et leur nez qui s’évase et sonne comme une invraisemblable clarinette ; plus