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une drôle de chasse.

s’échapper de mes lèvres : (Peuh !), en même temps qu’un petit nuage bleu, l’expression de ma supériorité satisfaite, je vous dirais :

(Peuh !) On les connaît toutes, vos histoires de chasse, et l’on va (Peuh !) vous en conter une qui sans doute vous étonnera. Elle est authentique, je la tiens de mon grand’père, brave homme, grand chasseur, et qui ne mentit jamais.


Voici donc comment on chassait l’ours chez nous il y a environ cinquante ans, quand il y avait encore des ours dans les petites Alpes. Ne vous attendez à rien d’émouvant ou d’héroïque. Décrire le monstre velu, ses grandes dents, ses longues griffes, peindre une lutte corps à corps, le pourpoint de buffle déchiré, l’éclair du couteau, le sang coulant rouge sur la neige, tout cela, certes ! serait facile si je voulais broder tant soit peu ; mais mon grand’père n’avait pas d’imagination, et je ne fais que répéter le naïf récit de mon grand’père.

Singulière chasse tout de même que cette chasse à la paysanne sans couteau, pique ni fusil, chasse où le chasseur se contente de donner une corde au gibier en le priant d’aller quelque part s’exécuter lui-même.

— Un peu fort, par exemple ! — Pas fort du tout, simple comme bonjour, au contraire ; seulement n’interrompez pas !… Je commence l’histoire.