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Page:Arène - La vraie tentation du grand Saint Antoine - contes de Noël, 1880.djvu/59

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une drôle de chasse.

On devait chasser l’ours. Mon grand’père, invité, avait apporté son fusil, naturellement. Les paysans lui dirent : « La poudre coûte cher et le plomb abîme la peau ; mieux vaut avoir la bête sans toutes ces manigances.

— Mais cependant ?… — Attendez donc, sapristi ! ».

Les paysans savaient bien ce qu’ils voulaient faire. Ces sacrés montagnards provençaux, fins comme l’ambre sous leur veste d’épais cadis, avaient de temps immémorial, constaté deux choses : primo, que l’ours est à la fois raisonneur et têtu ; secundo, qu’il aime par-dessus tout déjeuner de poires bouillies. Il s’en régale volontiers sur l’arbre, les croquant toutes crues, quand il ne peut pas faire autrement ; mais, cuites au miel, il les préfère.

On avait donc préparé à l’ours en question un grand plat de poires au miel, et disposé le plat, à hauteur de museau, dans le creux d’un vieux poirier sauvage où l’animal avait coutume précisément de venir chaque matin, au lever du jour, s’aiguiser l’appétit de quelques poires vertes.

Un nœud coulant pendait devant l’ouverture du tronc…

— Un nœud coulant ? Tiens, la belle malice ! — Patience, vous verrez tout à l’heure si c’est malin.

Je disais un nœud coulant attaché par le bout à une forte bûche, assez lourde pour gêner l’ours une fois qu’il l’aura traînante à son cou, pas assez pourtant pour qu’elle l’étrangle.