Page:Arène - Les Ogresses - Tremblement de terre à Lesbos - Ennemie héréditaire.djvu/114

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deux jets de salive brune, le cocher philosophe qui chiquait.

Nanette allait monter, quoique l’ensemble, harmonique cruellement, du fiacre et du cocher offusquât ses délicatesses néo-parisiennes, elle allait monter et donner l’adresse du Pont des Arts classique pour les suicides, quand tout à coup, dans le silence de la rue brumeuse, un cri grelottant retentit :

— « Mouron pour les petits oiseaux !… fournissez-vous de mouron frais ! »

C’était une femme vieille, proprette et gaie sous ses haillons, qui, guettant les portes où déjà les concierges se montraient, et quelques fenêtres matinales, promenait un gros paquet d’herbe mordue et confite par la bise.

— « Mouron pour les petits oiseaux !

— Eh ! sainte femme, dit Nanette, que son idée fixe poursuivait, pourquoi diantre s’en aller ainsi, le long des chemins et des fossés, ravir aux oiseaux des champs leur bonne herbe au bénéfice de fainéants qui passent leur vie à se lustrer la plume et voleter inutiles dans des cages.

— Inutiles ? vous n’y pensez point ! mais ils sont loin d’être inutiles. S’il n’y avait pas d’oisillons en cage, qui achèterait du mouron à Paris, et que serais-je devenue ? Comment aurions-nous passé Noël, et comment tout à l’heure pourrais-je offrir à la cadette de mon