Page:Arène - Les Ogresses - Tremblement de terre à Lesbos - Ennemie héréditaire.djvu/251

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

bâtons aux couleurs vives et sagement plante ses ponts en fil de fer dans le sable, la bobonne joue au croquet.

Grande, forte, châtaine avec de beaux yeux noirs, elle joue au croquet pour distraire son jeune maître, un petit bourgeois de sept ans, très malingre, l’air déjà sage.

Quelques promeneurs se sont arrêtés et regardent. Ils regardent surtout la bobonne. Car elle est agréable à voir, la bobonne, avec ses façons quasi distinguées, et la grâce, imitée de quelque dame châtelaine, dont elle s’appuie sur le maillet, coquette et souple, non sans hancher un peu.

Elle se laisse trop volontiers regarder, la bobonne ! et Nostradamus, s’il passait, lui prédirait son avenir : l’amourette du début, rue Monsieur-le-Prince ou rue Cujas, avec ce carabin qui est là au premier rang, et qui rêve ; la séparation obligée, l’année de désespoir, de Bullier et de brasseries ; puis l’ambition, les ponts passés, l’aventure ; et, qui sait ? une fois suffisamment vieillie pour en être plus désirable, l’hôtel classique avec l’équipage offerts par le malingre petit bourgeois, devenu un à peu près d’homme et qui ne la reconnaîtra pas.

PLACE SAINT-SULPICE

Ce n’est qu’à Paris, en carnaval, qu’on peut voir pareille antithèse !