Page:Arène - Les Ogresses - Tremblement de terre à Lesbos - Ennemie héréditaire.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des jets d’eau surexcités, à côté des cygnes toujours graves, une escadre de canards mandarins, le bec sous l’eau, pattes en l’air, montrent au soleil avec une frétillante impudence leur derrière couleur d’arc-en-ciel.

Partout des frissons, des murmures. Bêtes et plantes, chacune dans sa langue, chantent l’hymne de la vie nouvelle. Quant aux hommes — je parle de ceux qui sont encore assez jeunes pour regretter de ne l’être qu’à moitié — ils se consolent en cherchant l’illusion du souvenir à travers ces allées rajeunies, où pas un arbre d’il y a vingt ans n’est resté.

C’est à cet exercice mélancoliquement illusoire que je me livrais l’autre jour en compagnie de Florimon et de Martial. Florimon, un poète illustre déjà, bien qu’il ait à peine achevé de défriser sa quarantaine ; Martial qui aurait pu être poète comme un autre, mais qui a préféré devenir simplement homme d’État par paresse et modestie.

Florimon et Martial devant, moi derrière, nous allions ainsi, eux lorgnant les fillettes comme jadis et devisant de leurs beaux jours de travail et de pauvreté joyeuse, moi plus volontiers attardé à quelqu’une des minuscules observations qu’un jardin peut fournir à la flânerie : voyage d’une feuille morte sur l’eau, ton d’une mousse s’étalant sous les flancs verdis d’un balustre.