Page:Arène - Les Ogresses - Tremblement de terre à Lesbos - Ennemie héréditaire.djvu/32

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tous les sexes ! Les unes fémininement maquillés et parées, cheveux coupés en carré sur le front, têtes de collégiens vicieux. D’autres mûres, l’œil passionné, avec des semblants de moustaches. Au milieu, par toutes désirée et choyée, une grande blonde, Éliane, le modèle alors si en vogue chez les fabricants de faux Rubens, et une mignonne brune, grassouillette et frêle, qui était Marie.

Notre arrivée fit sensation.

On chuchotait, on se moquait. Mais Marie seule existait pour moi ; et silencieux, contemplant l’ovale pur de son visage, ses lèvres demeurées enfantines, un peu boudeuses, ce regard ingénu et noir que la frange des cils voilait, je croyais, poète déjà et tout vibrant encore des souvenirs du pays natal, reconnaître en elle l’angesse, l’ange-femme de nos pastorales.

L’ange aussi m’avait vu, hélas ! Soudain le rire, un rire cruel, entr’ouvrit sa bouche divine, et, d’une voix douce quand même à mon cœur, quoiqu’elle essayât de l’encanailler :

— Ah ! bien non, Éliane, s’écria-t-elle en me désignant, ce n’est pas encore celui-là qui nous dé…tournera des femmes !

Entre nous, elle prononça même un mot plus dur que détourner.

Éliane rit à son tour, l’enveloppant d’une œillade reconnaissante et la table entière applaudit.