Page:Arène - Les Ogresses - Tremblement de terre à Lesbos - Ennemie héréditaire.djvu/330

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que les habitants, tout en les encourageant parfois d’une aumône, ne prêtent pas souvent attention à leurs monotones cantilènes.

C’est ainsi que l’autre jour, un jeune porteur de guitare, assez gentil garçon, l’œil hardi et la voix canaille, put nous tympaniser une heure durant de tout ce répertoire des refrains à la mode, — paroles frénétiques sur des airs volontairement convulsés où semblent s’enlacer dans un hideux embrassement la double parodie des vers et de la lyre — sans nous arracher un seul instant à la somnolente vacuité de nos rêves.

Je ne le regardai guère qu’au moment de la quête, lorsqu’il nous tendit son chapeau, où tomba aussitôt, jetée négligemment, quelque monnaie.

Notre voisin de table, un homme mûr déjà, assis aux côtés d’une belle fille plantureuse et rousse, mais rousse avec trop d’excès pour l’être naturellement, se montra moins généreux que nous.

Irrité peut-être des regards admiratifs dont sa compagne enveloppait le chanteur, il le repoussa brutalement, plus brutalement peut-être que la circonstance ne le comportait ; et, se sentant remarqué, en manière d’excuse, il murmura :

— « Fichez-moi donc la paix ! Je n’aime pas la musique. »