Page:Arène - Les Ogresses - Tremblement de terre à Lesbos - Ennemie héréditaire.djvu/81

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suite rompue. Loris et Sylvine se trouvaient du même pays ou à peu près.

Nous causâmes. Sylvine, qui se réjouit fort à l’idée que Marc-Aurèle avait espéré vendre trois cent soixante francs le petit tableau mal encadré qui lui paraissait cher à trois francs soixante, Sylvine se trouvait heureuse. Ses affaires allaient bien, le père de bébé n’étant pas trop jaloux. On estimait Sylvine au Crabe d’Or, et les jours de courses, comme aujourd’hui, on l’autorisait à remplacer la caissière.

Sous la main experte de Loris, qui serait le plus cruellement moderne de nos romanciers s’il ne préférait vivre sa vie au lieu de coucher sur le papier la vie des autres, les confidences ruisselaient de cette âme naïve comme l’eau claire d’un linge de lessive tordu.

Nous apprîmes ainsi que, depuis son arrivée, Sylvine, sauf quelques rares escapades au théâtre ou au bal, ne connaissait guère de la grand’ville que le bout de trottoir menant du Crabe d’Or à son troisième de la rue Frochot. Le Crabe d’Or était tout pour elle, reluisant dans le firmament parisien comme une constellation chimérique et démesurée. C’est là qu’elle parlait commerce, cyniquement, ingénument, avec d’autres Sylvines, ses pareilles ; c’est là qu’elle rêvait et vivait ses amours…

Sylvine s’attendrit pourtant quand Loris, tournant à l’élégiaque, lui parla des plaines