Page:Arétin - La Puttana errante, 1776.djvu/40

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premiers jours, parce qu’elle n’étoit pas contente de ce qu’elle gagnait avec moi par la pension que je lui payois, elle vouloit encore que je reçusse, certaines gens qu’elle m’amenoit. Son avarice et la perfidie dont elle usoit envers M. Spinola me firent changer de quartier. Ce qui me détermina tout à fait, c’est que M. Spinola partit. Il me donna cent ducats en me disant adieu, et je ne reçus plus aucune nouvelle de lui. Alors certes, je songeai à être un peu économe, et à ne pas refuser les avantages que ma beauté me procuroit, de peur de tomber dans la misère. J’eus d’assez belles occasions de me faire un petit fonds d’argent. J’allai louer une petite maison au pont Saint-Sixte, et je n’y fus pas trois jours qu’il m’arriva une aventure assez plaisante. J’allois chez un marchand prendre des nippes ; il entra chez le marchand en même temps que moi un jeune homme de qualité qui venait acheter des rubans. Il m’accosta de bonne grâce et m’entretint avec esprit. Il attendit que j’eusse fait mon emplette, et en sortant il s’offrit de me conduire chez moi. Je ne le refusai point ; il voulut s’arrêter au devant de ma porte, mais je ne voulus pas y rester, je lui fis le compliment de l’engager à monter en haut. Tu peux bien t’imaginer s’il fit des façons. Après qu’il m’eût louée de la propreté de mes meubles, il vint à des déclarations d’amour, et il rechercha les expressions les plus fortes pour me persuader de sa sincérité. Nous en demeurâmes là pour ce jour, et aux honnêtetés près, je ne lui permis aucune liberté ; je crus qu’il étoit bon de le laisser dans toute son ar-