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Page:Arétin - Sept Petites Nouvelles, 1861, trad. Philomneste.djvu/89

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SEPT NOUVELLES D’ARÉTIN

« Avaler deux morceaux, ce n’est pas rompre le jeûne, et jouer deux petites pièces de monnaie, ce n’est pas enfreindre un vœu. » Le pèlerin était là comme une mariée qui, le jour des noces, veut et ne veut pas, lorsque le paysan, auquel le joueur avait fait signe de l’œil, dit : « Il vaudrait mieux pour vous jouer toute la journée que dormir une heure ; avec cette grande chaleur vous pourriez attraper une fièvre ardente qui vous emporterait. » On se mit donc à jouer, et, grâce à ce passe-temps, la journée tout entière ne leur parut qu’un instant. La nuit vint, et, comme il n’y avait chez le paysan ni lampe ni chandelle, le pèlerin se dépêcha d’allumer son cierge. Tant dura la partie que le cierge se trouva brûlé jusqu’au bout, et le pèlerin avait perdu tout ce qu’il possédait. Il s’écria alors : « Je suis encore plus fâché de ne pouvoir accomplir mon vœu que de voir qu’il ne me reste rien. » Le fripon lui répondit : « Ne t’inquiète pas à cet égard, je te donne l’absolution. » Et la pauvre dupe ne savait pas que, lorsqu’il était parti pour la Santa Casa, le plus grand péril qui menaçait ses ducats était qu’ils ne fussent mis en jeu pendant la route.