Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/354

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débouchés, tendre une main secourable à des populations malheureuses, les arracher au joug abrutissant sous lequel elles gémissaient depuis des siècles, les doter enfin sans retard de tous les bienfaits de la civilisation européenne. D’aussi grands desseins n’auraient pas pu s’accomplir avec le seul personnel d’une armée ordinaire. Il fallut faire un appel aux sciences, aux lettres, aux beaux-arts ; il fallut demander le concours de quelques hommes de tête et d’expérience. Monge et Berthollet, l’un et l’autre membres de l’Institut et professeurs à l’École polytechnique, devinrent, pour cet objet, les recruteurs du chef de l’expédition. Cette expédition, nos confrères en connaissaient-ils réellement le but ? Je n’oserais pas l’affirmer ; mais je sais, en tout cas, qu’il ne leur était pas permis de le divulguer. Nous allons dans un pays éloigné ; nous nous embarquerons à Toulon ; nous serons constamment avec vous ; le général Bonaparte commandera l’armée ; tel était, dans le fond et dans la forme, le cercle restreint de confidences qui leur avait été impérieusement tracé. Sur la foi de paroles aussi vagues, avec les chances d’un combat naval, avec les pontons anglais en perspective, allez aujourd’hui essayer d’enrôler un père de famille, un savant déjà connu par des travaux utiles et placé dans quelque poste honorable ; un artiste en possession de l’estime et de la confiance publiques, et je me trompe fort si vous recueillez autre chose que des refus ; mais, en 1798, la France sortait à peine d’une crise terrible, pendant laquelle son existence même avait été fréquemment mise en problème. Qui d’ailleurs ne s’était trouvé exposé