Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/604

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Suivez ces mêmes soldats dans la vie privée, et vous verrez ces dissemblances se continuer. L’impérialiste reste soldat par ses sentiments et par ses manières ; le républicain, confondu dans la masse de la population, ne se distingue bientôt plus d’un artisan, d’un laboureur, qui n’aurait jamais quitté l’atelier ou la charrue.

Ce sont ces nuances, habilement saisies, artistement reproduites, qui, dès le premier jour, ont si vivement frappé le public dans l’admirable fronton de notre David.

« Je ne puis pas me résoudre à voir le général Carnot dans un personnage à culottes courtes et à bas bleus, » me disait un jour, dans la bibliothèque de l’Institut, certain officier de l’Empire connu par sa brillante valeur. J’insiste. « Eh bien, soit ! ajouta-t-il ; les bas bleus peuvent aller à un général qui n’a pas reçu le baptême du feu ! » Hier encore, avec moins de rudesse il est vrai dans les termes, un de nos confrères reproduisait devant moi la même pensée. Je remplirai donc un devoir en prouvant que, dans l’occasion, l’homme aux bas bleus savait bravement payer de sa personne.

Le prince de Cobourg, à la tête de soixante mille hommes, occupait toutes les issues de la forêt de Mormale et bloquait Maubeuge. Cette ville une fois prise, les Autrichiens ne rencontraient plus d’obstacles sérieux pour arriver à Paris. Carnot voit le danger ; il persuade à ses collègues du comité de salut public que notre armée, malgré sa grande infériorité numérique, peut livrer bataille ; qu’elle doit attaquer l’ennemi dans des positions qui paraissaient inexpugnables. C’était un de ces moments suprêmes qui décident du sort, de l’existence des