Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/633

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occuper de deux ou trois points où la métaphysique de la science offre des obscurités. Est-ce à dire pour cela qu’on doive à jamais renoncer à remplir ces lacunes ? Tel n’était pas l’avis de Carnot. Nous l’avons déjà vu consacrant les courts moments de repos que lui laissaient ses fonctions directoriales à la métaphysique du calcul infinitésimal ; la suppression du Tribunat lui permettra de soumettre à des investigations pareilles une question non moins ardue, la question des quantités négatives.

Il arrive souvent qu’après avoir mis un problème en équation, l’analyse vous offre, parmi les solutions cherchées, des nombres négatifs ; par exemple : moins 10 ; moins 50 ; moins 100 ; ces solutions, les anciens analystes ne savaient de quelle manière les interpréter. Viète lui-même les négligeait comme absolument inutiles, comme insignifiantes. Peu à peu on s’habitua à voir, dans les nombres négatifs, des quantités plus petites que zéro. Newton et Euler ne les définissaient pas autrement (Arithmétique universelle et Introduction à l’analyse infinitésimale). Cette notion s’est aujourd’hui introduite dans la langue vulgaire : le plus petit marchand comprend à merveille la position d’un correspondant qui lui annonce des bénéfices négatifs. La poésie a donné aussi sa sanction à la même pensée, témoin ces deux vers par lesquels Chénier stigmatisait ses ennemis politiques, les rédacteurs du Mercure de France :

Qu’ont fait ces nains lettrés qui, sans littérature,
Au-dessous du néant, soutiennent le Mercure.

Eh bien ! Messieurs, c’est une notion placée ainsi sous