Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/642

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qu’il croie légitime, nos forteresses du Nord pouvaient tenir lieu de plus de cent mille hommes de troupes réglées ; qu’un royaume entouré de nations rivales est toujours dans un état précaire quand il n’a que des troupes sans forteresses. Abordant enfin la question financière, Carnot affirme (ce résultat, j’en suis convaincu, étonnera mon auditoire comme il m’a étonné moi-même), Carnot affirme à plusieurs reprises que, loin d’être un gouffre où tous les trésors de l’État allaient sans cesse s’engloutir, les nombreuses forteresses du royaume, depuis l’origine de la monarchie, depuis la fondation des plus anciennes, n’ont pas autant coûté que la seule cavalerie de l’armée française en vingt-six ans ; et veuillez le remarquer, à la date du Mémoire de Carnot, vingt-six ans s’étaient précisément écoulés sans que notre cavalerie eût tiré l’épée.

Eh bien, Messieurs, devenu membre de l’Assemblée législative, l’ardent avocat des places proposa, non pas, quoi qu’on en ait dit, la destruction complète des fortifications spéciales indépendantes adossées à ces places, et qu’on appelle des citadelles, mais seulement la démolition de ceux de leurs remparts qui jadis les isolaient. Sans doute la certitude qu’il existe un lieu de retraite assurée doit, en temps de siége, exciter les soldats à prolonger la défense, à courir la chance hasardeuse des assauts ; mais, à côté de cet avantage, les citadelles s’offraient à l’esprit comme de véritables bastilles dont les garnisons pouvaient foudroyer les villes, les rançonner, les soumettre à tous leurs caprices. Dans l’âme éminemment citoyenne de Carnot, cette considération prévalut. L’of-