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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/68

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qu’on attacha à des poteaux sur quatre routes royales, mais non sans les avoir préalablement fait bouillir dans de l’huile afin d’assurer leur plus longue conservation.

Cette coutume barbare ne produisait aucun effet ; car à peine un chef était abattu qu’il s’en présentait un autre pour le remplacer.

De tous ces voleurs de grand chemin, ceux qui avaient la plus mauvaise réputation opéraient dans les environs d’Oropeza. Les propriétaires des trois mules sur lesquelles nous chevauchions un soir dans ces parages, M. Rodriguez, moi et mon domestique, nous racontaient des hauts faits de ces voleurs qui, même en plein jour, auraient fait dresser les cheveux sur la tête, lorsque, à la lueur de la lune, nous aperçûmes un homme qui se cachait derrière un arbre ; nous étions six, et cependant cette vedette eut l’audace de nous demander la bourse ou la vie ; mon domestique lui répondit sur-le-champ : « Tu nous crois donc bien lâches ; retire-toi, ou je t’abats d’un coup de ma carabine. — Je me retire, repartit ce misérable ; mais vous aurez bientôt de mes nouvelles. » Encore pleins d’effroi au souvenir des histoires qu’ils venaient de nous raconter, les trois arieros nous supplièrent de quitter la grande route et de nous jeter dans un bois qui était sur notre gauche. Nous déférâmes à leur invitation ; mais nous nous égarâmes. « Descendez, dirent-ils, les mules ont obéi à la bride et vous les avez mal dirigées. Revenons sur nos pas jusqu’à ce que nous soyons dans le chemin, et abandonnez les mules à elles-mêmes ; elles sauront bien retrouver la route. » À peine avions-nous effectué cette manœuvre, qui nous réussit à mer-