juge se plaça en face de moi. Comme l’interrogatoire se faisait de très-loin, le nombreux public qui nous entourait prenait une part directe aux questions et aux réponses. Je vais essayer de reproduire ce dialogue avec toute la fidélité possible :
« Qui êtes-vous ?
— Un pauvre marchand ambulant.
— D’où êtes-vous ?
— D’un pays où certainement vous n’avez jamais été.
— Enfin, quel est ce pays ? »
Je craignais de répondre, car les passe-ports, trempés dans le vinaigre, étaient dans les mains du juge instructeur, et j’avais oublié si j’étais de Schwekat ou de Leoben. Je répondis, enfin, à tout hasard :
« Je suis de Schwekat. »
Et cette indication se trouvait heureusement conforme à celle du passe-port.
« Vous êtes de Schwekat comme moi me répondit le juge. Vous êtes espagnol, et même espagnol du royaume de Valence, comme je le vois à votre accent.
— Vous allez me punir, Monsieur, de ce que la nature m’a donné le don des langues. J’apprends avec facilité les dialectes des contrées où je vais exercer mon commerce : j’ai appris, par exemple, le dialecte d’Iviza.
— Eh bien, vous serez pris au mot… J’aperçois ici un soldat d’Iviza ; vous allez lier conversation avec lui.
— J’y consens ; je vais même chanter la chanson des chèvres. »
Les vers de ce chant (si vers il y a) sont séparés de