Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/91

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deux en deux par une imitation du bêlement de la chèvre.

Je me mis aussitôt, avec une audace dont je suis actuellement étonné, à entonner cet air chanté par tous les bergers de l’île :

Ah graciada señora
Una canzo boull canta
Bè bè bè bè.
No sera gaira pulida,
Nosé si vos agradara
Bè bè bè bè.

Voilà mon Ivizanero, pour qui cet air faisait l’effet du ranz des vaches sur les Suisses, déclarant, tout en pleurs, que je suis originaire d’Iviza.

Je dis alors au juge que s’il veut me mettre en contact avec une personne sachant la langue française, on arrivera à une solution tout aussi embarrassante. Un officier émigré, du régiment de Bourbon, s’offre incontinent pour faire l’expérience, et, après quelques phrases échangées entre nous, affirme sans hésiter que je suis Français.

Le juge, impatienté, s’écrie : « Mettons fin à ces épreuves qui ne décident rien. Je vous somme, Monsieur, de me dire qui vous êtes. Je vous promets la vie sauve si vous me répondez avec sincérité.

— Mon plus grand désir serait de vous faire une réponse qui vous satisfît. Je vais donc essayer ; mais je vous préviens que je ne vais pas dire la vérité. Je suis le fils de l’aubergiste de Mataró.

— Je connais cet aubergiste : vous n’êtes pas son fils.

— Vous avez raison. Je vous ai annoncé que je varie-