Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 12.djvu/718

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quelle distance il y a entre le vrai et la fable. Je demande pardon à la Chambre de lui parler d’objets de cette nature.

Euler, le grand Euler était très-pieux : un de ses amis, ministre dans une église de Berlin, vint lui dire un jour : « La religion est perdue, la foi n’a plus de base, le cœur ne se laisse plus émouvoir même par le spectacle des beautés, des merveilles de la création, Le croiriez-vous ? j’ai représenté cette création dans tout ce qu’elle a de plus beau, de plus poétique et de plus merveilleux ; j’ai cité les anciens philosophes et la Bible elle-même : la moitié de l’auditoire ne m’a pas écouté, t’autre moitié a dormi ou a quitté le temple. »

Faites l’expérience que je vais vous indiquer, repartit Euler : « Au lieu de prendre la description du monde dans les philosophes grecs ou dans la Bible, prenez le monde des astronomes ; dévoilez le monde tel que les recherches astronomiques l’ont constitué. Dans le sermon qui a été si peu écouté, vous avez probablement, en suivant Anaxagoras, fait du Soleil une masse égale au Péloponèse. Eh bien, dites à votre auditoire que, suivant des mesures exactes, incontestables, notre Soleil est douze cent mille fois plus grand que la Terre.

« Vous avez sans doute parlé de cieux de cristal emboîtés, dites qu’ils n’existent pas, que les comètes les briseraient. Les planètes, dans vos explications, ne se sont distinguées des étoiles que par le mouvement ; avertissez que ce sont des mondes ; que Jupiter est 1 400 plus grand que la Terre, et Saturne 900 fois ; décrivez les merveilles de l’anneau ; parlez des lunes multiples de ces