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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 12.djvu/719

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mondes éloignés. En arrivant aux étoiles, à leurs distances, ne citez pas des lieues ; les nombres seraient trop grands, on ne les apprécierait pas ; prenez pour échelle la vitesse de la lumière ; dites qu’elle parcourt quatre-vingt mille lieues par seconde : ajoutez ensuite qu’il n’existe aucune étoile dont la lumière nous vienne en moins de trois ans ; qu’il en est quelques-unes à l’égard desquelles on a pu employer un moyen d’observation particulier, et dont la lumière ne nous vient pas en moins de trente ans.

« En passant des résultats certains à ceux qui n’ont qu’une grande probabilité, montrez que, suivant toute apparence, certaines étoiles pourraient être visibles plusieurs millions d’années après avoir été anéanties ; car la lumière qui en émane emploie plusieurs millions d’années à franchir l’espace qui les sépare de la Terre. »

Tel fut, Messieurs, en raccourci, et seulement avec quelques modifications dans les chiffres, le conseil que donnait Euler. Le conseil fut suivi : au lieu du monde de la fable, le ministre découvrit le monde de la science. Euler attendait son ami avec impatience, Il arrive, enfin, l’œil terne et dans une tenue qui paraissait indiquer le désespoir. Le géomètre, fort étonné, s’écrie : Qu’est-il donc arrivé «: Ah ! Monsieur Euler, répondit le ministre, je suis bien malheureux ; ils ont oublié le respect qu’ils devaient au saint temple, ils m’ont applaudi. »

Vous le voyez, Messieurs, le monde de la science était de cent coudées plus grand que le monde qu’avaient rêvé les imaginations les plus ardentes. Il y avait mille fois plus de poésie dans la réalité que dans la fable.