Aller au contenu

Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 12.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

produit de ses veilles laborieuses, une œuvre de génie ! Si nous trouvons le premier ridicule, n’admirons pas outre mesure la philosophie du second. La société poursuit d’une réprobation sévère ceux de ses membres qui dérobent à la circulation l’or entassé dans leurs coffres-forts ! Serait-on moins coupable en privant sa patrie, ses concitoyens, son siècle, des trésors mille fois plus précieux qu’enfante la pensée ; en gardant pour soi seul des créations immortelles, source des plus nobles, des plus pures jouissances de l’esprit ; en ne dotant pas les travailleurs, de combinaisons mécaniques qui multiplieraient à l’infini les produits de l’industrie, qui affaibliraient, au profit de la civilisation, de l’humanité, l’effet de l’inégalité des conditions, et qui permettraient un jour de parcourir les plus rudes ateliers sans y trouver nulle part le déchirant spectacle de pères de famille, de malheureux enfants des deux sexes assimilés à des brutes et marchant à pas précipités vers la tombe ? On dit quelquefois, avec raison, que certaines découvertes étaient dans l’air, qu’elles ne pouvaient pas ne pas être faites ; que leur auteur a été heureux d’arriver le premier ; que sans lui un autre serait venu pour enfanter l’œuvre dont l’heure était sonnée. Mais l’histoire des sciences présente, pour contredire heureusement ce que cette doctrine a d’injuste, plus d’un problème important dont la solution, trouvée jadis par un homme de génie, a été perdue pour la postérité par le manque d’une publicité suffisante : les siècles se passent, et la vérité, quoique le voile en ait été un moment soulevé, demeure cachée dans les ténèbres de l’inconnu.