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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/108

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ment profond :« Vraiment, ce dîner est détestable ! Ma sœur comprendra-t-elle enfin qu’elle a tort d’accepter des cuisinières, sans s’être assurée personnellement de leur savoir-faire ! »

J’ai presque honte de cette justification ; car, enfin, Ampère n’a pas été le seul personnage éminent sujet à des distractions réelles. Veut-on, par hasard, généraliser le reproche ? Je citerai aussitôt un astronome célèbre qui, à la demande de sa ménagère, cherchant à déterminer le nombre exact de secondes qu’exige la cuisson d’un œuf, reconnut avec désespoir que, pendant une minute entière, il avait soumis à l’ébullition de l’eau la montre du plus grand prix, sur laquelle reposait l’exactitude de tous ses travaux, tandis que l’œuf était resté dans sa main. Je dirai que le père Beccaria, que le pieux Beccaria, poursuivi par le souvenir d’une recherche électrique, même pendant qu’il célébrait la messe, s’écria, un jour, de toute la puissance de sa voix : l’esperienza è fatta, au moment où il aurait dû chanter le Dominus vobiscum, distraction qui, par parenthèse, devint le sujet d’une information devant l’autorité ecclésiastique, et amena l’interdiction de l’illustre physicien.

Faire du distrait avec le système que je viens de réfuter, une sorte de mélange du trompeur et de l’hypocrite, ce serait se résoudre à déchirer d’excellents feuillets de La Bruyère, et condamner au feu une agréable comédie de Regnard. Il est toutefois une conséquence qui répugnerait encore davantage : l’inimitable fabuliste cesserait d’être le bon homme, comme le baptisa Molière. En restant les admirateurs de ses œuvres immortelles, nous