Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/109

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serions obligés de dépouiller sa personne de cette auréole de respect, d’estime, je dirai presque de tendre attachement, dont tant de générations successives l’ont entourée. Une cause est perdue, Messieurs, quand elle conduit à des conséquences qui froissent si violemment la conscience publique !

La crédulité d’Ampère était en quelque sorte devenue proverbiale. Elle lui faisait accepter, coup sur coup, les événements les plus fantastiques dans le monde politique, les faits les plus extraordinaires dans le monde intellectuel. Cet aveu, au reste, ne portera aucun préjudice à la grande réputation de perspicacité du célèbre académicien.

La crédulité tient ordinairement au manque d’intelligence. Celle-là il ne pourra, bien entendu, en être jamais question à cette place. Souvent aussi, elle provient d’une paresse générale d’esprit ; c’est la crédulité qui s’est si bien caractérisée par le dicton populaire :j’aime mieux le croire que d’y aller voir.

L’indifférence, pour échapper aux sollicitations, aux combats qu’elle redoute, prend quelquefois le masque de la crédulité ; mais l’indifférence peut ne pas être générale, ne porter que sur certaines questions, et laisser, sur d’autres points, une large place à l’intérêt, à l’activité. Tel était le cas du grammairien devant qui on dévoilait les symptômes imaginaires d’une conflagration générale de l’Europe : il admettait tout, accueillait tout sans sourciller, sans mot dire ; on allait définitivement le ranger parmi les hommes les plus crédules de l’époque, lorsqu’il rompit le silence par ces paroles : « Arrive que