Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/112

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le talisman perdit quelque peu de sa première vertu ; des pièces manuscrites me l’ont appris, car, de son vivant, Ampère ne laissa rien percer devant moi, des doutes cruels qui, de temps à autre, bouleversaient son esprit. En parcourant aujourd’hui ses lettres à l’ami qu’il avait pris pour confident de tant de combats intérieurs, le lecteur se surprend à croire qu’il a sous les yeux le récit des tortures poignantes qu’éprouva l’auteur des Provinciales. « Si c’était vrai cependant ! écrivait-il le 2 juin 1815… malheureux que je suis !… d’anciennes idées ne me dominent pas assez pour me faire croire ; mais elles ont encore la puissance de me frapper de terreur ! Si je les avais conservées intactes, je ne me serais pas précipité dans un gouffre ! »

J’ai pu remarquer, par la comparaison des dates, que ces vicissitudes n’ont pas été sans quelque liaison avec les révolutions politiques de la France, ou avec des douleurs de famille. Qu’on le croie bien, les larmes dont les yeux des malheureux sont inondés, n’altèrent pas seulement pour eux l’aspect physique des choses !

Dans ses moments de ferveur religieuse, il n’y avait pas de sacrifice littéraire qu’Ampère ne trouvât léger. À l’école centrale de Bourg, le jeune professeur composa un traité sur l’avenir de la chimie. De hardies prédictions n’avaient alors rien dont sa conscience s’effarouchât. Déjà même l’ouvrage était imprimé, lorsque diverses circonstances firent passer subitement Ampère à un état d’exaltation mystique extraordinaire. Dès ce moment, il se crut coupable au premier chef, pour avoir essayé de dévoiler prématurément une multitude de secrets que les siècles