Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/114

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vera. Eh bien, le croirais-tu ? il y a des gens assez stupides (je ne change rien à la phrase), pour me demander ce que je gagnerais à cela ! n’ai-je pas cent fois raison d’être indigné ? »

Je ne m’étonnerais pas qu’au premier coup d’œil on éprouvât quelque surprise, en me voyant placer les événements et les passions politiques parmi les causes qui portèrent si souvent la tristesse, le découragement dans le cœur d’Ampère, et nuisirent le plus souvent à ses travaux scientifiques. Moi-même, son ami pendant trente années, n’ai-je pas eu besoin de lire sa correspondance la plus intime, pour savoir tout ce qu’il y avait de patriotiques douleurs, sous une sérénité apparente, sous un vernis de douce résignation ?

L’année 1815 marqua surtout dans la vie de notre confrère d’une manière cruelle. L’empereur était revenu de l’île d’Elbe. Le bruit des armes retentissait dans l’Europe entière ; les nations allaient se heurter sur un champ de bataille inconnu ; de ce choc terrible pouvait naître, pour de longues années, l’asservissement de la France et du monde. Ces pensées bouleversaient l’âme de notre illustre confrère ; mais il eut l’incroyable malheur de tomber alors dans une société, Dieu me garde de chercher à en découvrir les traces, où ce qu’il redoutait était un objet d’espérance ; où les plus tristes nouvelles excitaient des transports de joie ; où la mort d’un demi-million de nos compatriotes ne semblait pas devoir entrer en balance avec le maintien de quelques institutions vermoulues. Ces hideux sentiments inspiraient à notre confrère une juste et profonde antipathie. D’autre part, il trouva