Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/115

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dans la population parisienne des personnes ardentes qui, sans attendre aucun acte de la part de leurs antagonistes, proposaient de faire impitoyablement main basse sur eux.

C’est alors que dans une lettre, dont j’ai l’original sous les yeux, Ampère écrivait à ses amis Lyonnais : « Je suis comme le grain entre deux meules ! Rien ne pourrait exprimer les déchirements que j’éprouve ; je n’ai plus la force de supporter la vie ici. Il faut à tout prix que j’aille vous rejoindre, il faut surtout que je fuie ceux qui me disent : Vous ne souffrirez pas personnellement, comme s’il pouvait être question de soi-même au milieu de semblables catastrophes. »

N’auriez-vous pas, Messieurs, mauvaise opinion d’un homme qui, dans de si tristes circonstances, aurait trouvé en lui-même assez de tranquillité d’esprit pour combiner des formules, inventer des appareils, ou tenter de nouvelles expériences ?

Ampère, par timidité, concentrait soigneusement en lui-même les sentiments douloureux que les événements publics lui inspiraient. Deux fois, cependant, la mesure devint comble : elle déborda violemment. S’il me fallait citer un désespoir égal à celui qu’éprouva notre confrère en apprenant la prise de Praga et, plus tard, la chute de Varsovie, ce serait parmi les anciens membres de cette Académie que je le trouverais. Je montrerais Ruelle entrant dans son amphithéâtre, les habits en désordre, la figure pâle, les traits décomposés, et commençant une leçon de chimie par ces paroles, que je prise, moi, autant que la plus belle expérience : « Je crains de manquer