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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/116

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aujourd’hui de clarté et de méthode ; j’ai à peine la force de rassembler, de combiner deux idées ; mais vous me pardonnerez quand vous aurez appris que la cavalerie prussienne a passé et repassé sur mon corps pendant toute la nuit. »

On avait connu la veille, à Paris, la nouvelle de la bataille de Rosbach.

Une fois entraîné par la direction de son esprit, par son tempérament ou par son cœur, à étudier les événements politiques, à calculer leur importance, leur gravité, il est rare qu’on sache se borner à ceux d’une seule époque, fût-elle aussi féconde en terribles péripéties que la fin du XVIIIe siècle et le commencement du XIXe. Les biographes racontent que Lamothe-Levayer mourut en demandant d’une voix éteinte : « A-t-on des nouvelles du grand Mogol ? » Pour Ampère, le grand Mogol, c’était le monde tout entier ; le temps passé, le temps présent, et le temps à venir. Les souffrances des sujets de Sésostris, de Xercès, de Tamerlan, trouvaient dans son âme une fibre sensible, comme les souffrances des pauvres paysans de la Bresse, parmi lesquels sa jeunesse s’était écoulée. « Il se préoccupait avec la même passion (ce sont ses paroles textuelles) de ce qui arrivera dans trois siècles et des événements qui se déroulaient sous ses yeux. » Nous retrouvons ici l’horreur du doute dont je parlais tout à l’heure, mais renforcée encore par des sentiments philanthropiques.

« Les amis, s’écria lord Byron dans un moment d’humeur, sont des voleurs de temps !  » Un homme très-studieux avait dit avant lui, avec moins d’àpreté : « Ceux qui