Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/206

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forcé de rendre hommage à la sûreté de vues et à la largeur de conception dont Condorcet a fait preuve dans les diverses parties de son travail.

Ici vient se placer, par sa date, une motion de Condorcet dont je ne puis me dispenser de parler. Cette motion, je suis certain qu’on en a singulièrement exagéré la portée. De telles paroles, je ne les ai tracées qu’après y avoir mûrement réfléchi, car elles me mettent en opposition directe avec un des hommes les plus illustres de notre temps. Il faut une vive confiance dans la puissance de la vérité pour oser l’opposer toute nue à une erreur certainement involontaire, mais appuyée des prestiges de la plus haute éloquence.

L’histoire parlementaire n’offre peut-être rien de plus émouvant, de plus curieux, que l’analyse de la séance de l’Assemblée constituante du 19 juin 1790. Ce jour-là, pendant qu’Alexandre Lameth sollicitait la suppression de quatre figures enchaînées qui se voyaient alors, place des Victoires, aux pieds de la statue de Louis XIV, un obscur député du Rouergue, M. Lambel, s’écria de sa place : « C’est aujourd’hui le tombeau de la vanité ; je demande qu’il soit fait défense à toutes personnes de prendre les titres de duc, de marquis, de comte, de baron, etc. » Charles Lameth enchérit aussitôt sur la proposition de son collègue ; il veut que personne ne puisse à l’avenir s’appeler noble. Lafayette trouve les deux demandes tellement nécessaires, qu’il juge superflu de les appuyer par de longs développements. Alexis de Noailles vote comme les préopinants, mais il croit la suppression des livrées également urgente. M. de Saint--