Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/219

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soldats mal armés, mal vêtus, nu-pieds, étrangers aux plus simples évolutions militaires, sachant à peine se servir de leurs fusils, battirent à force de patriotisme les meilleures troupes de l’Europe et en poursuivirent les débris au delà de nos frontières ; oui, du sein de ce peuple auquel l’orgueil, la morgue nobiliaire, les préjugés de nos ancêtres faisaient une si mesquine part d’intelligence, surgirent, comme par enchantement, d’immortels capitaines ; oui, quand le salut ou l’honneur du pays l’exigea, le fils de l’humble gardien d’un chenil devint le chef illustre d’une de nos armées, vainquit le maréchal Wurmser et pacifia la Vendée ; oui, le fils d’un simple cabaretier, se précipitant comme une avalanche des hauteurs de l’Albis, dispersa sous les murs de Zurich les Russes de Korsakoff, à l’instant même où ils croyaient marcher avec certitude à la conquête de la France ; oui, le fils d’un terrassier et quelques milliers de soldats donnèrent, à Héliopolis, de telles preuves d’habileté, de bravoure, qu’il ne serait plus permis aujourd’hui de citer la phalange macédonienne et les légions de César comme les plus vaillantes troupes qui aient foulé le sol égyptien.

Conservons religieusement ces souvenirs. Nos hommages, quelque vifs qu’ils puissent être, pâliront à côté des hauts faits de ces immortelles armées républicaines qui sauvèrent la nationalité française. Soyons justes, cependant, et que notre enthousiasme pour d’étonnants soldats ne nous empêche pas de payer un juste tribut à tant de citoyens de l’ordre civil qui, eux aussi, rendirent d’éminents, de périlleux, d’honorables services à la patrie.