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AMPÈRE.

était un problème assurément très-difficile. Le jeune écolier ne le trouva pas au-dessus de ses forces.

De grands philosophes s’en étaient déjà occupés. Pour tracer une histoire complète de leurs tentatives, nous aurions à remonter jusqu’à ce roi d’Égypte qui, s’il faut en croire Hérodote, fit élever deux enfants dans l’isolement le plus absolu, leur donna une chèvre pour nourrice, eut ensuite la bonhomie de s’étonner que ces enfants bêlassent, que le mot plus ou moins distinct bêcos sortît de leur bouche, et, d’après cela, reconnut aux Phrygiens, dont la langue renfermait le mot beck (pain), le droit de se qualifier le plus ancien peuple du monde.

Parmi les philosophes modernes qui se sont occupés de la langue primitive, des moyens de la reconstituer, Descartes et Leibnitz occupent incontestablement les premières places. Le problème, tel que ces hommes de génie l’envisagèrent, n’était pas, ne pouvait pas être seulement d’améliorer les qualités musicales des langues modernes, de simplifier leur grammaire, d’en bannir toute irrégularité, toute exception. Ils le faisaient consister, surtout, dans une sorte d’analyse de l’esprit humain, dans la classification des idées, dans le dénombrement exact et complet de celles qui doivent être considérées comme élémentaires. Au moyen d’une langue fondée sur ces bases, « les paysans, dit Descartes, pourraient mieux juger de la vérité des choses que ne font maintenant les philosophes. » Leibnitz exprimait la même idée en d’autres termes, quand il écrivait que « la langue universelle ajouterait à la puissance du raisonnement, plus que le télescope n’ajoute à la puissance de l’œil,