Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/239

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anciens confrères de Lavoisier paraissaient à portée de faire en sa faveur ; mais la terreur glaça tous les cœurs. » Partant de là, un certain public, cruellement frivole, dénombra sur ses doigts tous les académiciens qui siégèrent à la Convention, et, sans autre examen, le nom de notre ancien secrétaire se trouva fatalement impliqué dans la catastrophe stupidement féroce qui enleva à la France un excellent citoyen, au monde un homme de génie.

Deux dates, deux simples dates, et vous déciderez si s’abstenir de citer des noms propres quand on parle d’événements aussi graves ; si rester dans des termes généraux, qui, n’incriminant directement personne, permettent à la calomnie d’inculper tout le monde, c’est vraiment de la sagesse.

Condorcet, dites-vous, aurait pu intervenir en faveur de Lavoisier. Est-ce au moment de l’arrestation ? Voici ma réponse :

Lavoisier fut arrêté dans le mois d’avril 1794.

Condorcet était proscrit et caché chez madame Vernet depuis le commencement de juillet 1793.

Parlez-vous d’une intervention qui aurait pu suivre la sentence du tribunal révolutionnaire ? La réponse sera plus écrasante encore :

Lavoisier périt le 8 mai 1794.

Condorcet s’était empoisonné, à Bourg-la-Reine, un mois auparavant, le 8 avril.

Je n’ajouterai pas une syllabe à ces chiffres : ils resteront imprimés en traits ineffaçables sur le front des calomniateurs.