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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/240

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PORTRAIT DE CONDORCET.


J’ai successivement présenté à vos yeux, et dans le jour qui m’a paru le plus vrai, le savant, le littérateur, l’économiste et le membre de deux de nos assemblées politiques. Il me reste à faire le portrait de l’homme du monde, à vous parler de son extérieur, de ses manières.

Un moment, j’ai désespéré de pouvoir remplir cette partie de ma tâche, car je ne connus pas personnellement le secrétaire de l’Académie, car je ne le vis même jamais. Je ne devais pas oublier, en outre, combien les livres sont des guides infidèles ; combien les auteurs saveut se parer quelquefois, dans ce qu’ils écrivent, d’un caractère peu en harmonie avec leurs actions habituelles ; combien il a été donné de démentis à la maxime de Buffon : le style, c’est tout l’homme. Heureusement, des correspondances inédites m’ont transporté, en quelque sorte, au milieu de la famille de Condorcet. Je l’y ai vu entouré de ses proches, de ses amis, de ses confrères, de ses subordonnés, de ses clients. Je suis devenu le témoin, j’ai presque dit le confident de toutes ses actions. Alors je me suis rassuré. Pouvais-je craindre de parler avec confiance des plus secrètes pensées de l’illustre académicien, de sa vie privée, de ses sentiments intimes, lorsque j’avais pour guides et pour garants Turgot, Voltaire, d’Alembert, Lagrange et une femme, mademoiselle de L’Espinasse, célèbre par l’étendue, la pénétration et la finesse de son esprit ?

Condorcet était d’une haute stature. L’immense volume