Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/244

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et de l’envie. Mais son courageux dévouement ne l’entraîna point à partager les injustes préventions de ceux-là même auxquels il était le plus tendrement attaché. Ce genre d’indépendance est assez rare pour que j’en cite quelques exemples.

D’Alembert, dominé à son insu par un sentiment indéfinissable de jalousie, ne rendait pas à Clairaut toute la justice désirable. Examinez, cependant, si dans deux de ses éloges, si, en citant presque sans nécessité les relations de M. de Trudaine et de M. d’Arci avec l’auteur du bel ouvrage sur la figure de la Terre, Condorcet hésite le moins du monde à appeler Clairaut un homme de génie, et à parler des prodiges de sa jeunesse !

Lagrange et d’Alembert n’accordaient aucune estime aux Lettres d’Euler à une princesse d’Allemagne. Ils en étaient venus, en les assimilant à une erreur de la vieillesse de Newton, jusqu’à les appeler « le Commentaire sur l’apocalypse d’Euler. » D’un autre point de vue, Condorcet, trouvant les lettres utiles, ne se contenta pas de les louer ; il s’en fit l’éditeur, sans même concevoir le soupçon qu’une opinion indépendante pût faire ombrage à ses meilleurs amis.

Le livre d’Helvétius avait irrité Turgot, qui s’en expliquait dans sa correspondance avec une vivacité extrême. Sur ce point, le célèbre intendant de Limoges supportait impatiemment la contradiction. Condorcet, néanmoins, soutenait la lutte avec la plus grande fermeté. Il était loin de prétendre que l’ouvrage fût irréprochable ; suivant lui, seulement, on s’exagérait ses dangers. Je ne résiste pas