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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/28

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siasme dont il fut toujours animé pour les études mathématiques, physiques et philosophiques ; de la prise de la Bastille, l’épanouissement de son âme, aux doux noms de liberté, de dignité humaine, de philanthropie. La mort terrible qui enleva un chef vénéré à l’excellente famille de Poleymieux put bien, un moment, opprimer toutes les facultés de notre confrère ; mais elle ne changea rien à ses convictions. Au moment du réveil, il se retrouva dévoué d’esprit et de cœur à la cause de la civilisation. Ampère rejeta bien loin la pensée que les fureurs de quelques énergumènes, que les crimes dont il avait si cruellement souffert, dussent arrêter la marche progressive du monde.

L’écolier de Poleymieux mit en action, dès sa plus tendre jeunesse, la féconde intelligence dont la nature l’avait doté. Il n’en fut pas de même de ses sens. Ces puissants instruments de plaisir et d’étude, Ampère les connut beaucoup plus tard, du moins dans toute leur étendue ; et, par une sorte de révélation subite qui, à raison de cette circonstance, ne semble pas indigne de prendre place à côté de l’histoire que Chesselden traça jadis, d’un aveugle de naissance opéré de la cataracte.

Ampère était très-myope. Les objets, même peu éloignés, ne s’offraient à ses yeux que par masses à moitié confondues et sans contours définis. Il ne se faisait aucune idée du plaisir qu’à diverses époques des centaines de personnes avaient manifesté devant lui, en descendant la Saône, entre Laneuville et Lyon. Un jour, il se trouva, par hasard, sur le coche, un voyageur d’un myopisme pareil à celui d’Ampère. Ses lunettes étaient du numéro