Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que notre ami eût choisi chez un opticien. Il en essaya, et, tout à coup, la nature s’offrit à lui sous un aspect inattendu, et les mots : campagnes riantes, pittoresques ; collines gracieuses, doucement ondulées ; tons riches, chauds, harmonieusement nuancés, parlèrent pour la première fois à son imagination, et un torrent de larmes témoigna de l’émotion qu’il éprouvait. Notre confrère avait alors dix-huit ans. Depuis cette époque, Ampère se montra toujours très-sensible aux beautés de la nature. J’ai même appris qu’en 1812, dans un voyage sur les frontières méditerranéennes de l’Italie, la vue d’un site qu’on aperçoit de certains points de la célèbre Corniche de la rivière de Gênes, jeta notre ami dans une telle admiration, dans une telle extase, qu’il se sentit saisi du désir le plus violent de mourir à l’instant même, en présence de ce tableau sublime. S’il fallait montrer combien de telles impressions étaient profondes, à quel point Ampère savait les jeter au milieu des scènes vulgaires qu’il voulait embellir, j’en trouverais la plus singulière preuve dans une lettre du 24 janvier 1819.

À cette époque, notre ami habitait, depuis peu, la modeste maison qu’il avait achetée au coin de la rue des Fossés-Saint-Victor et de la rue des Boulangers. Le jardin, plus modeste encore, formé de quelques dizaines de mètres superficiels d’un terrain infertile, venait d’être bêché. À certain escalier avait succédé un sillon rapide et sinueux dont les bords supportaient deux ou trois planches étroites placées au-dessus de la partie la plus profonde. Le tout se trouvait entouré de murs extrêmement élevés. Mais, va-t-on s’écrier, vous venez de décrire le