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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/363

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réciproques de l’âme et du corps. L’auteur croyait avoir créé un chef-d’œuvre ; Voltaire n’était pas de trop pour l’analyser convenablement ; empressons-nous d’ajouter que le vieillard illustre, cédant aux sollicitations pressantes de M. le duc de Praslin, un des protecteurs les plus actifs du docteur suisse, promit d’étudier l’ouvrage et d’en dire son avis.

L’auteur était au comble de ses vœux. Après avoir annoncé doctoralement que le siége de l’âme est dans les méninges, pouvait-il y avoir rien à redouter du libre penseur de Ferney ? Il avait oublié seulement que le patriarche était, par-dessus tout, un homme de goût, et que le livre sur le corps et sur l’âme blessait toutes les convenances. L’article de Voltaire parut. Il commençait par cette leçon sévère et juste : « On ne doit pas prodiguer le mépris pour les autres et l’estime pour soi-même à un point qui révolte tous les lecteurs. » La fin était encore plus accablante : « On voit partout Arlequin qui fait la cabriole pour égayer le parterre. »

Arlequin n’en demanda pas davantage. La littérature ne lui ayant pas réussi, il se jeta sur les sciences.

Dès son début dans cette nouvelle carrière, le médecin neufchâtelois s’en prit à Newton. Mais voyez le malheur ; ses critiques portèrent précisément sur les points où l’optique peut le disputer en évidence à la géométrie elle-même. Cette fois, le protecteur fut M. de Maillebois, et le tribunal l’Académie des sciences.

L’Académie prononça son jugement avec gravité, sans y mêler aucun mot piquant ; par exemple, elle ne parla pas d’Arlequin ; mais il n’en resta pas moins établi que