Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/362

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foule les assiéger, mon cœur se serrait. Aujourd’hui même que l’abondance est revenue, la vue d’une de ces boutiques me fait éprouver une vive émotion.

Les conflits administratifs dont la source existait au sein même du conseil de la commune, arrachaient chaque jour à Bailly cette exclamation, image fidèle de l’état de son âme : J’ai cessé d’être heureux. Les embarras qui provenaient de l’extérieur le touchaient beaucoup moins, et cependant ils n’étaient nullement à dédaigner. Surmontons de justes répugnances ; jetons un regard ferme sur l’horrible sentine où s’élaboraient les indignes calomnies dont Bailly fut quelque temps l’objet.

Plusieurs années avant notre première révolution, un Neufchâtelois quittait ses montagnes, traversait le Jura, et venait s’abattre à Paris. Sans fortune, sans talent reconnu, sans notabilité d’aucune sorte, d’un physique repoussant, d’une tenue plus que négligée, il semblait difficile qu’il espérât, qu’il rêvât même des succès ; mais on avait dit au jeune voyageur d’avoir pleine confiance, quoique un académicien célèbre n’eût pas encore donné cette singulière définition de notre pays : « La France est la patrie des étrangers. » En tout cas, la définition ne fut pas menteuse, car, peu de temps après son arrivée, le Neufchâtelois était attaché, en qualité de médecin, à la maison d’un des princes de la famille royale et avait contracté d’étroites liaisons avec la plupart des personnages puissants de la cour.

Cet étranger était affamé de gloire littéraire. Parmi ses premières productions figura un ouvrage médico-philosophique, en trois volumes, relatif aux influences