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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/41

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confrère, que le travail dont je viens de donner une analyse si détaillée n’a peut-être pas guéri une seule personne atteinte de la manie invétérée du jeu. Le remède n’a pas agi ; mais pourrait-on assurer qu’il ait été souvent appliqué ? A-t-il existé beaucoup de joueurs de profession assez algébriques pour comprendre les formules de M. Ampère, pour en apprécier l’exactitude parfaite ? On se tromperait d’ailleurs si l’on s’imaginait que la certitude de perdre détournerait tout le monde de jouer. Mon doute paraîtra certainement paradoxal : je tiens à le justifier.

Je connaissais à Paris, il y a quelques années, un étranger de distinction, à la fois très-riche et très-mal portant, dont les journées, sauf un petit nombre d’heures de repos, étaient régulièrement partagées entre d’intéressantes recherches scientifiques et le jeu. Je regrettais vivement que le savant expérimentateur donnât à la moitié de sa vie une destination si peu en harmonie avec une capacité intellectuelle que tout le monde se plaisait à reconnaître. Malheureusement quelques intermittences de gain et de perte, momentanément balancés, lui avaient persuadé que les avantages des banques contre lesquelles il jouait n’étaient ni assez assurés, ni assez considérables pour qu’on ne fût pas en droit d’attendre une bonne veine. Les formules analytiques des probabilités, offrant un moyen radical, le seul peut-être, de dissiper cette illusion, je proposai, le nombre des coups et les mises m’étant donnés, de déterminer à l’avance, de mon cabinet, à combien se monterait, non pas assurément la perte d’un jour, non pas même la perte d’une semaine, mais la perte de chaque trimestre. Les calculs se trouvèrent si