Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/464

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Les qualités de l’âme jouissent d’un privilége analogue ; elles répandent sur les traits du visage des nuances harmonieuses qui en masquent tous les défauts. Tel est surtout, à mon avis, le sens qu’on doit attacher à cet adage de Chesterfield : « La laideur et la beauté sont des questions de trois semaines au plus. » Il n’était nullement question de semaines pour s’accoutumer à la figure sévère de l’illustre professeur. Dès les premières paroles de chacune de ses leçons, on la voyait soudainement s’illuminer d’une bienveillance infinie, qui commandait le respect et la reconnaissance.

L’œil scrutateur de Monge découvrait, jusque dans les parties les plus reculées de son nombreux auditoire, l’élève que le découragement commençait à gagner ; il reprenait aussitôt sa démonstration, en modifiait la marche, les termes ; et, lorsque toutes ces attentions étaient demeurées sans résultat, il manquait rarement, la séance finie, d’aller, à travers la foule, se saisir, pour ainsi parler, de l’auditeur à l’esprit distrait ou paresseux qu’il avait remarqué, et de faire pour lui seul une seconde leçon. Ordinairement elle n’avait point de préambule, et commençait en ces termes : « Je reprends, mon ami, du point où j’ai commencé à devenir inintelligible. »

J’entends souvent attribuer les succès de Monge dans l’enseignement de la géométrie descriptive à l’habileté sans pareille avec laquelle il savait, par des gestes, figurer et poser dans l’espace les surfaces, objet de ses démonstrations. Je méconnais d’autant moins ce genre particulier de mérite, que j’ai entendu souvent notre confrère lui assigner une extrême importance. Je dois, plus