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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/465

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que personne, me rappeler qu’au commencement de la dernière leçon qu’il ait donnée à l’École polytechnique, en 1809, Monge s’exprimait ainsi : « Je suis, mes amis, obligé de prendre congé de vous, et de renoncer pour toujours au professorat ; mes bras engourdis, mes mains débiles, ne n’obéissent plus avec la promptitude nécessaire. » Néanmoins, c’est ailleurs que j’ai cru apercevoir la cause principale du silence religieux, de l’intérêt puissant, de la vénération profonde dont les disciples de l’illustre académicien ne manquaient jamais de l’entourer. Monge enseignait ordinairement ce qu’il avait lui-même découvert. C’était pour un professeur, vis-à-vis de ses élèves, la position la plus avantageuse qu’on pût imaginer, surtout lorsqu’une modestie franche et naïve, comme celle de notre confrère, y ajoutait un nouveau charme. Monge ne suivait pas strictement, devant ses auditeurs, la marche qu’il s’était tracée dans le silence du cabinet ; il s’abandonnait souvent à des inspirations subites ; on apprenait alors de lui comment les esprits créateurs font avancer les sciences, comment les idées naissent, percent l’obscurité qui d’abord les entoure, et se développent. Dans les occasions dont je parle, mon expression ne sera que juste : Monge pensait tout haut.

Partout où il s’établira ainsi une sorte de communauté entre la jeunesse avide de savoir et un professeur homme de génie, celui-ci obtiendra un succès d’enthousiasme, dont on doit renoncer à trouver la cause dans les grâces du langage ou même dans la clarté de l’exposition. Il y a toujours un grand avantage à faire professer les sciences par ceux qui les créent : ne négligeons pas les occasions