Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/551

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pienne ? Quoi qu’il en soit, tous ceux à qui Bonaparte parla de son projet y applaudirent ; les uns, c’était le petit nombre, en termes modérés, les autres avec enthousiasme. Monge seul osa ne point partager l’avis du général et de son entourage. « Vous n’avez pas le temps, dit-il à son ami, de faire un bon Mémoire ; or, songez qu’à aucun prix vous ne devez rien produire de médiocre. Le monde entier a les yeux fixés sur vous. Le Mémoire que vous projetez serait à peine livré à la presse que cent aristarques viendraient se poser fièrement devant vous comme vos adversaires naturels. Ceux-ci découvriraient, à tort ou à raison, le germe de vos idées dans quelque ancien auteur, et vous taxeraient de plagiat ; ceux-là n’épargneraient aucun sophisme, dans l’espérance d’être proclamés, ne fût-ce que quelques-instants, les vainqueurs de Bonaparte ! » Bonaparte reconnut qu’il ne devait pas courir les chances défavorables que Monge lui dépeignait avec tant de franchise ; contre son habitude, il se décida à faire retraite, et le Mémoire ne fut pas rédigé.

Je vous ai montré Monge plein de fougue au combat nautique de Chebreys. Nous allons le trouver, au Caire, dans une situation non moins dangereuse, déployant le même courage, mais faisant preuve aussi d’un sang froid, d’une présence d’esprit, dont ne le croyaient pas capable ceux qui connaissaient son ardente imagination.

Personne n’ignore que la ville du Caire s’insurgea, sans aucune cause apparente, le 30 vendémiaire an vii (21 octobre 1798) ; que tous nos petits postes, attaqués à l’improviste, succombèrent ; que deux à trois cents Fran-