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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/552

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çais isolés périrent dans les rues ; que l’hôtel de l’état major fut bouleversé de fond en comble, et tous les instruments qu’il renfermait détruits ou emportés.

Le palais de Hassan-Kachef, où l’on avait établi l’Institut, était à une lieue du quartier général. Bientôt une multitude furieuse l’entoure ; des cris de mort retentissent ; la position ne semble pas défendable : du côté du jardin, il n’existe, pour résister aux insurgés, qu’un faible treillage ; d’ailleurs, on n’a point de fusils ; la seule chance de salut est donc de faire retraite vers le quartier général. Cette opinion va prévaloir ; déjà la plupart des savants, des artistes, des littérateurs, se présentent en ordre à la porte pour sortir. Monge s’y oppose ; il barre l’issue, et, s’adressant aux plus décidés : « Oserez-vous, dit-il, livrer à une destruction certaine les instruments précieux confiés à votre garde ? vous serez à peine dans la rue que les insurgés s’empareront du palais et mettront tout en pièces. » Ces paroles sont entendues ; on se décide à rester ; Monge, déjà chef légal du corps académique, est unanimement désigné comme l’ordonnateur suprême des mesures défensives. À sa voix, chaque outil devient une arme ; les couteaux, fortement attachés à de longues perches, feront l’office de fers de lance ; on consolide les murs ; on barricade les issues, et quand ces préparatifs sont achevés, lorsque Monge a pourvu à tous les devoirs du commandement, il va, de sa personne, se mettre en faction au poste le plus dangereux, et s’écrie avec une gaieté naïve : « Maintenant, qui veut venir causer avec moi pour tempérer les ennuis de la situation ? »

Ainsi se passèrent de longues heures, au milieu d’aler-