Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/576

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tive allait prendre quelque repos dans son pays natal. Ce fut à sa terre de Morey, en Bourgogne, qu’il reçut le vingt-neuvième bulletin de la grande armée de Russie ; ce fut pendant qu’on lui en donnait connaissance que Monge vit se dissiper une à une les illusions dont il s’était bercé jusque-là sur les résultats de cette colossale expédition. Lorsque le lecteur arrivait à la dernière ligne du bulletin, Monge tomba frappé d’apoplexie !

Les sentiments qui se manifestent avec cette véhémence ont droit aux respects des hommes de cœur de toutes les opinions.

Quand notre confrère revint à lui, il dit avec douceur, avec le plus grand sang-froid à ceux qui l’entouraient : « Tout à l’heure, j’ignorais une chose que je sais maintenant ; je sais de quelle manière je mourrai. »

Dans les premières pages de cette biographie, je me suis étendu avec complaisance et bonheur sur l’enfance de Monge, sur ses succès précoces ; ma tâche sera maintenant moins douce : j’ai à vous montrer un homme de génie aux prises avec les passions politiques et succombant dans la lutte. Je puiserai dans le sentiment du devoir la force qui me sera nécessaire pour retracer avec détail cette courte et douloureuse période de la carrière de Monge ; je n’oublierai pas que l’utilité doit être notre but, que ces biographies ne mériteraient pas de fixer un seul moment l’attention des hommes sérieux, si elles ne devaient pas nous éclairer sur la marche de l’esprit humain, dans ses élans comme dans ses défaillances, et signaler à ceux qui nous suivront les écueils sur lesquels tant de brillantes renommées ont été se briser.