point de mire ; il croyait pouvoir s’y rendre sans difficulté, sans obstacle, et y vivre librement. « Le désœuvrement, disait-il, serait pour moi la plus cruelle des tortures. Condamné à ne plus commander des armées, je ne vois que les sciences qui puissent s’emparer fortement de mon âme et de mon esprit. Apprendre ce que les autres ont fait ne saurait me suffire. Je veux, dans cette nouvelle carrière, laisser des travaux, des découvertes, dignes de moi. Il me faut un compagnon qui me mette d’abord et rapidement au courant de l’état actuel des sciences. Ensuite, nous parcourrons ensemble le nouveau continent, depuis le Canada jusqu’au cap Horn, et dans cet immense voyage nous étudierons tous les grands phénomènes de la physique du globe, sur lesquels le monde savant ne s’est pas encore prononcé. » Monge, transporté d’enthousiasme, s’écria : «Sire, votre collaborateur est tout trouvé : je vous accompagne ! » Napoléon remercia son ami avec effusion ; il lui fit comprendre, non sans peine, qu’un septuagénaire ne pouvait guère se lancer dans une entreprise si pénible, si fatigante.
On s’adressa alors à un savant beaucoup plus jeune[1]. Monge exposait à son confrère, sous les plus vives couleurs, tout ce que la proposition avait de glorieux pour son objet, et plus encore à cause de la position du personnage illustre au nom duquel elle était faite. Une somme considérable devait dédommager le jeune académicien de la perte de ses places ; une autre forte somme était déjà destinée à l’achat d’une collection complète
- ↑ M. Arago.