Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/591

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tempérer. Il faisait remarquer surtout que sa nomination n’avait pas été un acte individuel ; que, sans exception aucune, tous les sénateurs de la première formation furent créés comtes par un seul et même décret du 1er mars 1808. « Au reste, ajoutait-il avec une grande franchise, je suis tellement sous le charme pour tout ce qui émane du grand Napoléon, que je n’ai jamais la force de résister à ses désirs. »

Voici le grief principal, le grief foudroyant ; celui, a-t-on dit, devant lequel les confrères, les amis de Monge auront éternellement à courber la tête :

Un jour, le corps diplomatique, entrant inopinément dans le salon de réception de l’Empereur, vit Monge étendu sur le tapis, près d’une fenêtre, jouant avec le roi de Rome. Les ambassadeurs, les ministres plénipotentiaires, les envoyés à tous les degrés de la hiérarchie se montrèrent, ils l’assuraient eux-mêmes, douloureusement affligés de cette dégradation d’un savant. Le spectacle que ces graves personnages avaient sous les yeux leur navra le cœur.

Le lendemain, tout Paris connaissait la nouvelle ; le lendemain, chacun déplorait qu’un homme de génie se fût suicidé moralement.

Je n’ai pas cherché à affaiblir le reproche ; je l’ai reproduit dans toute sa crudité. Dois-je maintenant, suivant la prédiction, me contenter de courber la tête ?

Nullement, Messieurs, nullement ! Un mot d’explication, et toute cette fantasmagorie de dignité aura disparu.

Monge aimait les enfants avec passion ; il prenait un plaisir tout particulier à s’associer à leurs divertissements,