Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/592

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quels qu’ils fussent ; je l’ai vu, par exemple, à soixante cinq ans, jouer (je ne recule devant aucune expression quand il s’agit de disculper un confrère), je l’ai vu jouer à colin-maillard avec les jeunes fils d’un académicien[1] qui n’avait, lui, ni crédit ni influence d’aucune nature. Ces détails n’étaient certainement pas connus du public, ni même de MM. les ambassadeurs, si susceptibles en fait de dignité ; sans cela, se serait-on étonné que Monge jouât aussi avec le fils du meilleur et du plus illustre de ses amis !

Le prisonnier de Sainte-Hélène faisait un jour, devant son entourage, le dénombrement des principaux personnages de la République et de l’Empire avec lesquels il avait eu des relations intimes. Quand le tour de notre confrère arriva, Napoléon, sans chercher à déguiser son émotion, prononça ces paroles : «Monge m’aimait comme on aime une maîtresse. » J’admets l’assimilation, si l’on accorde qu’en toutes circonstances la maîtresse, pour ne pas perdre cette tendre affection, poussait les prévenances jusqu’à la coquetterie.

Les traits de coquetterie de Napoléon envers Monge sont très-nombreux. J’en citerai quelques-uns, pris parmi les plus frappants. J’espère qu’ils affaibliront l’impression défavorable que beaucoup de personnes ont éprouvée en entendant dire sur tous les tons : « Monge avait pour Napoléon un engouement invincible, un enthousiasme poussé jusqu’à l’aveuglement, une adoration qui tenait de l’ivresse. »

Peu de temps avant de quitter Paris pour se rendre à

  1. M. Arago.