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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/711

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vécu, nous saurions quelque chose. » Et nous, Messieurs, à qui Poisson avait déjà tant appris ; nous, témoins de son infatigable ardeur pour le travail, de son incroyable fécondité, nous serait-il interdit d’exhaler aussi la profonde douleur que nous éprouvons, en songeant aux vingt, aux trente beaux Mémoires dont les sciences mathématiques se fussent encore enrichies, si notre confrère eût vécu ce que vivent ordinairement les académiciens.

A-t-on assez remarqué quels hommes la mort frappe ainsi avant le temps au milieu de nous ? Un jour c’est Malus, le lendemain Fresnel ; puis, coup sur coup, Fourier, Cuvier, Ampère, Dulong, Poisson. Par l’éclat même des noms qu’elle renferme, cette liste funéraire soulève des doutes cruels. On se demande si, malgré toute sa fécondité, la France réparera de telles pertes aussi vite que nous les faisons ; si nous aurons le malheur de voir l’Académie descendre du haut rang qu’elle occupe ; s’il est des moyens d’échapper à ces tristes présages ; si nous parviendrons à conserver intacte la prééminence scientifique qui a été mise en dépôt dans nos mains.

Poisson a répondu d’avance à tout ce qui, dans ces doutes, dans ces questions, est au pouvoir des hommes. Il nous dit du fond de sa tombe, comme de son vivant il le disait par ses actes, de mettre le titre d’académicien bien au-dessus de ceux dont nous pouvons être investis par la faveur populaire ou par la faveur non moins fragile de l’autorité ; de ne point considérer ce titre comme un vain honneur ; de nous rappeler le vieux dicton de nos pères : Noblesse oblige ; de bien remarquer que, dans un siècle d’efforts, de progrès incessants, universels, celui